Lors de la quatrième édition du Symposium régional de haut niveau sur la stabilité financière, Abdellatif Jouahri, Wali de Bank Al-Maghrib, a mis en lumière les efforts déployés par le Maroc pour intégrer la dimension climatique dans la régulation et la gestion de son système financier. Ce rendez-vous, tenu à Rabat, a permis d’aborder les défis complexes liés aux incertitudes géoéconomiques et aux risques émergents, en particulier les impacts du changement climatique.
Les risques climatiques, une priorité pour le Maroc
Jouahri a rappelé que le Maroc est particulièrement exposé aux effets du changement climatique, illustrés par des épisodes récurrents de sécheresse, un stress hydrique sévère et des inondations fréquentes. Face à cette situation, les régulateurs financiers marocains ont multiplié les initiatives. Bank Al-Maghrib, par exemple, a émis une directive en 2021 pour inciter les banques marocaines à intégrer les risques climatiques dans leurs systèmes de gouvernance, leurs stratégies de financement et leurs dispositifs de gestion des risques.
En partenariat avec la Banque mondiale, la Banque centrale a également mené une étude approfondie sur les risques climatiques dans le secteur bancaire marocain. Cette analyse, la première du genre dans la région, a été publiée en avril 2024, confirmant la volonté du Maroc de renforcer la résilience de son secteur financier face aux défis environnementaux.
Une approche collective et des ambitions claires
D’autres institutions ont également agi pour intégrer les enjeux climatiques dans leurs missions. L’Autorité Marocaine des Marchés de Capitaux (AMMC) a publié des guides sur le financement durable et imposé, depuis 2019, un rapport annuel ESG aux émetteurs sur le marché des capitaux. De son côté, l’Autorité de Contrôle des Assurances et de la Prévoyance Sociale (ACAPS) a édicté une instruction visant à inclure les risques environnementaux et climatiques dans la gestion des entreprises d’assurance.
Malgré ces efforts, Jouahri a souligné l’ampleur des besoins financiers. Selon les estimations de la Banque mondiale, le Maroc doit mobiliser environ 78 milliards de dollars d’investissements entre 2022 et 2050 pour ses objectifs d’atténuation et d’adaptation au changement climatique. À cet effet, le pays a élaboré une stratégie nationale de finance climatique à l’horizon 2030, visant à attirer des fonds privés et l’appui de bailleurs internationaux.
Une dynamique continentale et internationale
Le Maroc n’agit pas seul. Jouahri a rappelé l’importance de la coopération internationale, soulignant le soutien financier obtenu du Fonds Monétaire International (1,3 milliard de dollars dans le cadre de la Facilité de Résilience et de Durabilité). Il a également salué l’engagement des agences internationales, tout en rappelant que ces financements climatiques ne doivent pas se faire au détriment des ressources nécessaires au développement des pays africains.
Autres enjeux : cryptoactifs, monnaies digitales et cybersécurité
Outre les défis climatiques, Abdellatif Jouahri a abordé des thématiques liées aux innovations technologiques et à leur impact sur la stabilité financière. Bank Al-Maghrib travaille depuis 2017 sur l’encadrement des cryptoactifs, une démarche marquée par une sensibilisation initiale du public suivie de l’élaboration d’un projet de loi, actuellement en cours d’adoption. Ce cadre vise à protéger les investisseurs tout en valorisant les opportunités qu’offrent ces nouvelles technologies.
Concernant les monnaies digitales des banques centrales, Bank Al-Maghrib a lancé il y a plus de trois ans le projet MDBC pour évaluer leur potentiel dans l’inclusion financière. Cette initiative s’inscrit dans une réflexion stratégique de long terme, prenant en compte les spécificités du contexte national et international.
Enfin, Jouahri a souligné l’importance de la cybersécurité dans le secteur financier. Une communauté dédiée a été mise en place au Maroc pour renforcer la collaboration entre les acteurs financiers et les régulateurs, tout en s’appuyant sur des réseaux internationaux d’échange d’informations et de bonnes pratiques.
Un symposium d’envergure panafricaine
Organisé les 26 et 27 novembre à Rabat par Bank Al-Maghrib , en collaboration avec le Ministère des Finances, l’AMMC, l’ACAPS, le Financial Stability Board et l’Association des Banques Centrales Africaines (ABCA), ce symposium a réuni des hauts responsables d’institutions internationales, de banques centrales africaines et d’autorités de régulation. Sous le thème « Stabilité financière en Afrique à l’épreuve des incertitudes géoéconomiques et des risques émergents », cet événement a permis de débattre des enjeux critiques pour le continent et de renforcer la coopération régionale.