Les réformes sont essentielles pour garantir que les traités d’investissement et les différends associés entre investisseurs et États n’entravent pas les efforts des pays pour lutter contre le changement climatique. C’est ce qu’indique la CNUCED qui a publié deux notes thématiques traitant du régime des traités internationaux d’investissement et de l’action climatique.
La Conférence des Nations unies sur le commerce et le développement (CNUCED) a publié deux notes thématiques traitant du régime des traités internationaux d’investissement et de l’action climatique. Une note intitulée « Régime du traité international d’investissement et action climatique » fournit aux pays des recommandations politiques sur la réforme du régime pour le rendre plus aligné sur l’action climatique et d’autres impératifs de politique publique. Et une autre note intitulée « Cas de règlement des différends entre investisseurs et États fondés sur des traités et action pour le climat » fait le point sur ces cas liés à des mesures ou à des secteurs directement liés à l’action pour le climat.
Pourquoi des réformes sont nécessaires
« Le régime actuel des accords internationaux d’investissement (AII) peut contraindre les États lors de la mise en œuvre de mesures de lutte contre le changement climatique », indique la première note.
Le régime AII comprend environ 3 300 traités. Les AII de l’ancienne génération conclus entre les années 1980 et le début des années 2010 ont souvent été conclus avec peu ou pas d’attention à la flexibilité réglementaire des États hôtes en matière de protection de l’environnement et d’action climatique.
La CNUCED demande instamment une réforme du régime des AII pour garantir que les traités d’investissement n’empêchent pas les États de réaliser une transition juste vers des économies à faibles émissions de carbone.
Les réformes devraient minimiser le risque pour les États de faire face à des réclamations de règlement des différends entre investisseurs et États (RDIE) liées aux politiques sur le changement climatique ou de la part d’investisseurs ayant des investissements à forte intensité de carbone.
Le rapport 2022 du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat a mis en évidence les risques d’utilisation du RDIE pour contester les politiques climatiques.
Alors que les AII de nouvelle génération signés depuis 2010 réussissent relativement mieux à protéger le droit des États à réglementer et à intégrer des dispositions spécifiques sur la protection de l’environnement, ils manquent encore de dispositions proactives visant à soutenir efficacement l’action climatique.
Les affaires contre les politiques climatiques suscitent l’inquiétude
De nombreux cas antérieurs du RDIE étaient liés à des mesures ou à des secteurs directement liés à l’action climatique. Les investisseurs demandeurs ont déposé au moins 175 affaires RDIE basées sur l’AII concernant des mesures prises pour la protection de l’environnement entre 1987 et 2021.
Les investisseurs du secteur des combustibles fossiles ont été de fréquents demandeurs du RDIE, engageant au moins 192 procédures RDIE contre différents types de conduite de l’État.
La dernière décennie a également vu l’émergence et la multiplication des dossiers RDIE portés par des investisseurs du secteur des énergies renouvelables, avec 80 dossiers connus.
Le RDIE est coûteux. Les parties au différend – y compris les États défendeurs – encourent des coûts importants pour le travail des arbitres, l’administration des procédures et la représentation légale, qui s’élèvent tous à plusieurs millions de dollars ou plus.
En outre, les demandeurs et les États défendeurs font face à plusieurs années d’incertitude pendant que la procédure RDIE est en cours. « Les montants en jeu dans les procédures ISDS peuvent s’élever à des centaines de millions, voire des milliards de dollars », indique la deuxième note.
Les procédures RDIE peuvent également avoir des coûts de réputation pour les États défendeurs.
Des mesures immédiates de réforme de l’AII sont nécessaires pour atténuer ces risques et créer l’espace politique nécessaire pour que les États prennent des mesures climatiques urgentes, notamment grâce à un niveau plus élevé de flexibilité dans la mise en œuvre de changements réglementaires.
Les États ont des options pour réformer les réseaux de traités d’investissement
Selon la CNUCED, les États disposent d’options et d’outils pour réformer leurs AII existants, notamment sur la base de l’accélérateur de réforme des AII, du paquet de réformes des AII et du cadre de politique d’investissement pour le développement durable de la CNUCED.
La CNUCED identifie deux grandes approches pour réformer le régime des AII pour l’action climatique :
Rendre les AII individuels sensibles au climat en limitant la couverture des traités aux investissements durables et en préservant le droit et le devoir des États de réglementer dans l’intérêt public. Cela peut être couplé avec des dispositions visant à promouvoir et à faciliter l’investissement durable.
Explorer les possibilités de reconceptualiser la portée, l’objectif et la conception du régime des AII en s’engageant dans des actions de réforme holistiques des AII aux niveaux multilatéral, régional, bilatéral et national.
Les réformes sont plus urgentes que jamais
La CNUCED intensifiera ses travaux avec les gouvernements et d’autres parties prenantes pour soutenir les efforts visant à mieux aligner le régime des AII sur les préoccupations de politique publique, y compris celles liées au changement climatique.
Bien qu’une réforme efficace et holistique de l’ensemble du régime des AII soit préférable, par exemple via une approche multilatérale coordonnée, la CNUCED affirme que les réformes à plus petite échelle des AII individuels ne devraient pas être différées dans l’espoir d’une future réforme de l’ensemble du régime des AII.